J'ai toujours pensé que j'aurais plusieurs enfants. Je n'aime pas le terme de famille nombreuse – ça m'évoque immédiatement les reportages d'M6 sur les familles de vingt-cinq enfants qui cherchent à partir en vacances pour pas trop cher – mais dans l'idéal, je souhaitais avoir trois ou quatre enfants. Deux filles et deux garçons, pour bien faire. J'ai moi-même un frère, et je trouve qu'il y a un fossé entre les familles de deux et de trois enfants. Deux, c'est classique, trois, c'est plus joyeux, c'est une petite colonie, c'est tout plein de vie. C'est peut-être parce qu'on ne s'entendait pas avec mon frère – mais maintenant, tout va bien.
Et puis, on le sait, il y a avant le bébé et après le bébé. Vous savez, l'adage (le dicton, le truc machin chouette) qu'on entend souvent: "Avant j'avais des principes, maintenant j'ai des enfants." Voilà, avant, je voulais plein d'enfants, maintenant...
Mais ce serait trop facile si je poursuivais en disant "maintenant, je n'en veux qu'un." Parce qu'en fait, je ne veux pas que ma fille soit fille unique. Mais je crois que je crève de trouille à l'idée de recommencer. Et ça me bloque et je repousse la décision, la grande décision de recommencer. Parce que je trouve que, si c'est possible, c'est une décision encore plus difficile à prendre que pour le premier enfant.
Petit florilège de questions:
1. Suis-je capable de supporter l'angoisse d'une nouvelle grossesse et d'un nourrisson?
Voilà, c'est dit, mon premier stress c'est ça. J'ai eu tellement peur tout le temps de perdre ma bichette (et j'ai encore peur de temps à autre) que je ne sais pas si je suis capable de recommencer, je n'ai pas envie d'avoir encore cette peur qui me faisait faire des choses folles...
Je ne l'ai dit à personne, même pas à chéri d'amour, mais j'avais des manies de superstitieuse, quand ma fille est née, et qu'elle dormait à côté de nous, limite des TOC. Je touchais du bois, silencieusement, et je devais toucher à tout le bois auquel je pensais dès que j'avais peur qu'elle meure. Mais il fallait aussi que je touche ma tête, et sa tête. Donc ça donnait que je touchais ma tête, le bord de mon lit, les lattes de mon lit, la tête de mon lit, le sol (parquet), les barreaux de son lit, la planche sous son matelas, la tête de son lit et sa tête. En murmurant "je touche du bois". Oui, c'est dingue. Et parfois, dans la journée, ça me prenait aussi, et je touchais mon bureau, mes étagères, la table à langer, etc, etc.
Je savais me contrôler, au fond, et je ne le fais plus (mais ça me démange!), mais voilà, ça me rappelle cette angoisse.
Et toutes les fois où j'entrais dans la chambre, la respiration coupée, craignant de la trouver morte. Et cette fois - ou peut-être ces fois - où, à cause des ombres de la journée, j'ai cru qu'elle était bleue, morte.
Encore maintenant, si elle dort trop longtemps - extrêmement rare - je ne peux m'empêcher de m'inquiéter. Sans parler de toutes les autres inquiétudes qui me poursuivent toujours - c'est ça, être mère.
2. Suis-je / sommes-nous capables de supporter encore une année (voire plus) à ne pas dormir?
Avec ma bichette, ça a quand même été très dur, les premiers jours. Nous sommes chanceux, elle a fini par faire ses nuits vers 9-10 mois. Je sais qu'il y a des enfants qui ne dorment pas jusqu'à trois ans. N'empêche. Je voyais tous les bébés faire leurs nuits, les uns après les autres. Et nous, non, elle ne dormait pas plus de trois heures. C'était horriblement difficile. D’autant plus qu’elle ne dormait pas non plus en journée.
« Quand votre bébé dort, profitez-en pour dormir aussi ». Oui, mais si elle ne dort jamais ? On fait comment ? Malgré tout l’amour que nous nous portons, tous les trois, nous avons vécu des moments difficiles, de découragement. Pouvons-nous revivre ces moments, sans compter que maintenant, nous aurons deux enfants à gérer à la fois ?
3. Pourrons-nous aimer le deuxième autant que nous aimons la première ?
Je sais bien, oh oui, je le sais que c’est une question que toutes les mamans, ou presque, se posent à l’idée d’un deuxième. Et bien évidemment, je connais la réponse qui indique que l’amour ne se divise pas mais au contraire se multiplie. J’y crois, mais j’ai peur. Cela me semble impossible d’aimer autant un autre enfant, quand j’aime à la folie ma toute petite fille, ma délicieuse petite chérie. Nous n’aurions pu espérer une petite bichette aussi parfaite. Comment imaginer que nous pourrions aimer autant un autre enfant autant que nous l’aimons, elle ?
4. Comment ma toute petite pourrait-elle devenir l’aînée ? Et comment le prendra-t-elle ?
Quand je pense qu’elle sera l’aînée, ça me rend toute chose – oui, presque triste, mais je crois que ça s’appelle plutôt de la mélancolie. Va-t-elle comprendre qu’il y a un être plus petit, plus fragile ? Va-t-elle comprendre qu’elle est l’aînée ? Et puis, est-ce que je pourrais toujours l’appeler ma toute petite, ma tendre bichette, si c’est une nouvelle bichette qui vient ? Si c’est un petit chat, ce sera peut-être plus simple, mais qu’en pensera-t-elle ? Je ne veux pas qu’elle se sente délaissée, moins aimée ; je ne veux pas ne plus avoir de temps pour elle.
Et tout ceci tourne et retourne dans ma tête. D’autres questions, matérielles celles-ci, se posent également, mais elles sont mineures, pour moi.
Et pourtant, je ne veux pas qu’elle soit seule ; j’ai toujours entendu dire que c’était difficile, d’être enfant unique. Et puis, je crois qu’elle s’amuserait bien avec un petit frère ou une petite sœur. Et puis, je voudrais une maison pleine de vie.
Mais surtout, ce que je veux, c’est qu’elle soit heureuse, et qu’elle reste la jolie pétillante amusante éblouissante et si adorable tendre délicate drôle intelligente petite bichette que nous aimons et qui remplit notre cœur nos pensées nos vies.